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Un putsch dans la cathédrale vers l’an mil

Le 19 février 964, les chanoines de la cathédrale de Winchester furent expulsés par l'évêque, l'illustre Aethelwold, et remplacés par des moines venant de Abingdon (Abbandonia). Pourquoi ? Car ils étaient "pervers et scandaleux, fiers et insolents, vivaient sans célébrer la messe, épousaient illicitement des femmes, puis divorçaient et en prenaient d'autres, perdus dans la gourmandise et l'ivresse, essayant même d'empoisonner l'évêque Aethelwold..." Ces évènements sont décrits par notre vieil ami Wulfstan, biographe et contemporain d'Aethelwold, poète raffiné et chantre de Winchester. Wulfstan mentionne ce fameux jour en citant les chants interprétés par les chanoines au moment de l'arrivée des moines.

Intriguée par ces esprits puissants et leurs livres, leurs récits et leurs chants, j'ai construit un programme autour de cette violente rencontre entre les chanoines et les moines, entre les insiders et les outsiders, enfin entre nous d'aujourd'hui et les autres, ces hommes qui vivaient il y a mille ans.

Cette fois-ci, nous unissons deux voix et deux instruments, un choix qui semblera moins orthodoxe et dont le but est un peu différent. Nous chantons des somptueuses pièces polyphoniques issues du tropaire de Winchester, d’un langage musical à la fois très ancien et contemporain. Les instruments font découvrir les mélodies virtuoses du même manuscrit, aux noms curieux tels que Berta vetula, Bucca extensa, Tuba, Cythara...Enfin, les extraits du récit de Wulfstan nous mènent à travers les évènements, tel un fil d'Ariane.

Comme le fameux roman Le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell, notre "quatuor de Winchester"raconte une histoire vue par quatre protagonistes différents : la monodie est enrichie par la polyphonie, les instruments viennent dialoguer avec les voix dans des scènes plus théâtrales, et j'oserai dire enfin... la musicologie est vue par la musique, le passé par le présent, donnant une voix à ces mystérieuses sources manuscrites. Autour de l’an mil, le moine Thierry de Fleury décrit quatre moines qui se réunissent sur les marches du chœur et chantent en polyphonie. Et voici quatre musiciens qui se réunissent mille ans plus tard autour de ce répertoire, pour le regarder d’une nouvelle manière.

Katarina Livljanić

Katarina Livljanić, voix et direction
Clara Coutouly, voix
Albrecht Maurer, vièles
Norbert Rodenkirchen, flûtes