Programme pour deux voix de femmes a cappella
Peut être proposé également en forme de concert-conférence de découverte de musique médiévale, pour adultes ou jeune public
Ce programme pour deux voix de femmes a cappella explore l'univers à la fois intime et impressionant des musiques liturgiques médiévales entre le IXe et le XIIIe s.
Lorsque nous découvrons ces sons créés il y a mille ans, nous restons bercés par leurs résonances insolites, ou nous les effleurons comme de petits objets fragiles, faits de matières précieuses. Parfois nous les classons, les analysons, et nous en sommes rassurés. Mais le respect que nous portons à ces textes et à ces musiques nous empêche parfois de les regarder en face, de les embrasser, de les vivre ; de ne pas seulement être touchés par elles, mais de les laisser travailler en nous, comme elles le faisaient pour ceux qui les chantaient tout au long de leur vie, de jour comme de nuit.

Pour eux, il ne s'agissait pas de « musique ancienne », mais d'une manière de s'exprimer, de respirer, de se reposer, de rythmer le temps, d'extérioriser la peur de ces Autres qu'ils nommaient Barbares, de chasser les démons intérieurs, de maudire ou d'approvoiser ce qui les dépassait.
Tissé d'ombres et de lumières, ce programme fait dialoguer deux voix à travers les musiques d'auteurs médiévaux et les mots de grands poètes des XIXᵉ et XXᵉ siècles : Constantin Cavafy (1863-1933), Elias Canetti (1905-1994) et Giorgio Manganelli (1922–1990). Leurs textes s'élèvent en contrepoint, ouvrant un passage entre le Moyen Âge et notre présent.
Les pièces choisies ne suivent pas un ordre chronologique : elles dessinent des cercles de sens, une méditation intime sur ce qui nous relie aux voix d'autrefois. Ces chants s'interrogent sur l'exil et l'errance, sur l'obscurité et la cruauté de Dieu, sur les fils maudits par leurs pères, et sur la noblesse de l'esprit qui, parfois, se lève à l'aube d'un voyage intérieur, silhouette fragile suspendue entre veille et sommeil.
Quelques joyaux du répertoire médiéval jalonnent ce parcours :
De grandes pièces virtuoses de plain-chant (l'offertoire Vir erat, qui met en scène le personnage biblique de Job dans toute sa profondeur humaine), les premières polyphonies (dont la plus ancienne version connue du trait Deus, deus meus, chef-d'œuvre polyphonique du tropaire de Winchester de l'an mil), et les somptueux conduits polyphoniques de l'école Notre-Dame de Paris au XIIIᵉ siècle (Pater noster, A deserto veniens, Si quis amat).
S'y joignent une Généalogie du Christ de la côte dalmate, tel un feu d'artifices énumérant les générations de père en fils ; un exorcisme liturgique de Monte Cassino, d'une surprenante violence ; et une malédiction médiévale croate, incantation traversée par la peur de l'Autre — cette peur qui renaît sans cesse pour appauvrir le monde...
« C'est que la nuit est tombée, et que les barbares n'arrivent pas.
Et des gens sont venus des frontières et ils disent qu'il n'y a point de barbares.
Et maintenant, que deviendrons-nous, sans barbares ?
Ces gens-là, c'était quand même une solution. »
(Constantin Cavafy, 1898, trad. Marguerite Yourcenar)
K. Livljanic
Katarina Livljanić, voix et direction
Clara Coutouly, voix

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